Dans tous les sens du terme, il n'y a pas d'autre mot pour essayer de transcrire l'impression que donne l'accumulation de la richesse dans le monde. Et pourtant, jamais autant de fonctionnaires internationaux ne se sont penchés sur le problème de la pauvreté. La sociologie présente cette particularité de nous permettre de comprendre une situation, sans nous permettre d'agir. Le sociologue constate, il est un spectateur privilégié, pieds et poings liés.
De ce fait, le cri, de plus en plus assourdissant, de toutes les victimes de ces hauts faits économiques ne peut masquer leur incapacité à agir.
Celui qui n'a rien peut quelquefois devenir riche, celui qui est réellement devenu riche ne peut plus revenir en arrière. La cohorte de ceux qui doivent leur « situation » aux gens riches est telle qu'ils vont se charger de faire vivre le système. Leur intérêt immédiat est de ne pas voir, de ne pas entendre, et de ne rien faire. Les lanceurs d'alerte sont ceux qui choisissent volontairement de quitter la cohorte, sont-ils inconscients ou ont-ils un sens de l'Histoire au-delà du commun des mortels, peut-être ont-ils simplement un sens des valeurs différent. Comment savoir qui s'inscrit dans le sens de l'Histoire ? Impossible de répondre pour notre esprit limité.
Car, c'est là le plus dur, reconnaître que l'Humanité est incapable de comprendre son Histoire relève d'une conscience individuelle qui dépasse toute volonté d'accumulation matérielle. La richesse, qui mobilise toutes les capacités intellectuelles de la société occidentale, tente bien de noyer le problème, en essayant de montrer que tous les systèmes actuels, politiques et économiques, tendent à s'unifier autour de la justification de son existence.
Mais cette philosophie, si elle en est réellement une, ne peut masquer son incapacité à organiser une vie sociale capable de maîtriser l'environnement immédiat de l'humain. La richesse se caractérise par de l'activisme et du nombrilisme, deux erreurs de l'application des capacités cognitives à l'étude de l'environnement. Les riches sont responsables, mais pas coupables, donc circulez, il n'y a rien à voter, vos droits sont ce qu'ils vous laissent à ronger, puisqu'ils contrôlent les rouages de l'organisation sociale. La méthode est celle de la corruption passive la plus ordinaire, puisque tout ce qui est refusé aux riches engendrera de l'austérité et des restrictions. Il ne faut pas oublier que la coercition la plus ordinaire permet de marginaliser, sinon de faire disparaître les pensées divergentes. Les religions promettent un ailleurs meilleur, la richesse considère qu'elle aura les moyens de s'attribuer cet ailleurs dès aujourd'hui, tout en exploitant la crédulité ordinaire pour amplifier encore son emprise. Être riche permet de croire que l'immortalité est à portée de main, même si l'Humanité en meurt.
Toutes ces considérations pour constater que nos efforts ne peuvent se limiter à lutter contre les injustices. Nous devons donner du sens à la vie, à la mort, ce que ne font pas les vendeurs d'illusion. Toute vie est transmission, mais d'autre chose que d'un patrimoine éphémère évalué par Pierre ou Jacques, et notre réussite dépendra de la capacité à trier dans les technologies celles qui accéléreront la marche de la science vers la fusion de l'Homme et de son environnement.