Dans une société de cooptation, les grands serviteurs de l'État ne sont que des distributeurs de prébendes et les organisateurs de la dilapidation du bien public.
Au pays des inégalités
Selon le dernier rapport de l’OCDE, nous sommes parmi les pires créateurs d’inégalités, notre organisation génère donc et encourage un système qui sécrète des différences, indépendamment de la propension des humains à se créer des hiérarchies.
Au lieu d’aider les individus à se soutenir, s’épauler, à se sentir participants à une même culture, la République se veut un vivier de niveaux bien séparés les uns des autres. Tout est fait pour montrer qu’il y a les classes dirigeantes, les classes moyennes et les autres et on ne se mélange pas, chacun tentant de se faire passer pour plus que ce qu’il n’est. Quand à ceux qui tentent de créer des liens, des passerelles, ils n’ont rien compris, et le système les rabaissent systématiquement.
Tout fonctionne avec des hiérarchies, des titres, des autorisations, toujours venus d’en haut, jamais issus de la base. Tout ce qui est fédéré est anormal, transformé en organigrammes, remodifié pour apparaître pyramidal, rien ne peut venir de la base. Partout, le règne est celui des consensus, des votes unanimes, alors que toutes les grandes réussites proviennent de compromis et de reconnaissance des multiplicités.
Un tel principe engendre l’impossibilité de faire fonctionner un système judiciaire conforme aux principes républicains : liberté, égalité, fraternité.
De ce fait, réformer le système s’avère impossible, car les choix ne sont faits que par rapport à des distributions d’avantages, des équilibres basés sur des petits chantages, de la mesquinerie permanente dans le cadre de laquelle il est impossible de faire prévaloir des valeurs plus pérennes et plus sereines.
Ceux qui sont appelés les grands serviteurs de l’État ont été choisis selon des critères qui les disqualifient totalement lorsqu’il s’agit de trouver des solutions d’avenir. Ils ont toujours en tête des objectifs de castes, de corporations, de réseaux, ils n’ont aucun sens des besoins liés aux territoires, aux cultures, à la recherche.
Distribuer des prébendes devient dans ce cadre un argument électoral de premier ordre, un moyen d’asseoir un pouvoir, si possible de faire croire à une majorité apparente qui n’existe pas. Il n’y a plus d’égalité possible, la liberté devient une illusion, quant à la fraternité, à qui voulez-vous en parler dans de tels cadres. L’enseignement est organisé de manière hypocrite, la justice sert surtout à cacher la misère, la recherche est noyée derrière les intérêts, bancaires, économiques, scolastiques, et les jeunes n’ont pas beaucoup de solutions à espérer dans une société qui s’embourbe.
Or, les conséquences sont dramatiques, une société qui n’offre pas d’avenir aux jeunes générations sombre dans toutes les dérives et les pathologies qu’entraîne le manque d’espoir. Drogues, alcoolisme, névroses, psychoses, alimentent les débordements en tous genres et gangrènent un peu plus un monde suicidaire.
Que peut-on faire ? Depuis le temps, la recherche scientifique a pourtant montré qu’il est possible de développer des méthodes de travail qui permettent de sortir de ces impasses. C’est à la société civile de se reprendre en main, et d’imposer sur le terrain des méthodes relationnelles, des valeurs qui s’imposeront aux instances supérieures, cela demande de dépasser les habitudes et les petites mesquineries du petit profit immédiat pour penser à l’avenir des jeunes, à ce qu’il peuvent construire, et à refuser tout ce qui est contrainte « imbécile », comportement moutonnier. D’autant que l’imagination a toujours permis de tourner en ridicule les travers multiples et variés de nos scléroses.
Dans le domaine du droit, mettre en évidence les multiples irrégularités d’un monde qui parle de république en se cachant sous les oripeaux de la royauté et les ors des empires, qui défend des prérogatives en parlant d’égalité, qui multiplie les protocoles liberticides, qui prétend mettre le peuple au travail, mais seulement pour qu’il survive, qui couvre une transparence faite de secrets d’État, est un travail nécessaire ne serait-ce que pour se dire que la logique cartésienne est incompatible avec les magouilles d’une caste qui prend le citoyen en otage et lui interdit de voir le dessous des cartes.
Ce n’est pas une énième réformette qu’il faut, c’est l’application des mêmes principes à tous les citoyens.